Ça me fait drôle de partager quelque chose de si anodin avec quelqu'un; l'amour des textures. J'ai aussi cette impression que les textures ne s'arrêtent pas qu'au toucher. Il y a des textures dans une multitude de choses. Il y a des sons qui, dans ma tête, se traduisent en texture, des goûts aussi. Et parfois même des situations. C'est difficile à expliquer, mais je sais que tu comprends. C'est souvent spontané, mais parfois, je dois chercher. Il y a comme un fil qui relie les deux choses. C'est l'émotion probablement. Je ne la reconnais pas toujours du premier coup. Pendant quelques instants, je suis perplexe et je dois chercher. Je sais que cette émotion, je l'ai déjà rencontrée. Mais je ne me souviens pas qui elle est, ni si elle est bonne ou mauvaise. Pendant quelques instants, je la sens, mais je n'ai pas encore de références. Je dois donc travailler à la situer dans le temps, à la comparer, à la décoder. Ça ne dure généralement pas plus d'une ou deux minutes, mais parfois je cherche quelques jours avant de la replacer. Une fois que je l'ai, je n'ai qu'à suivre le fil. Il mène à la texture. Les textures et les émotions, c'est entremêlé. Parfois, je n'arrive pas à les différencier. Ni à les expliquer. Encore moins à les décrire. C'est soit un manque de vocabulaire, ou simplement un manque de compréhension de l'émotion ou de la texture elle même.
Bref, puisqu'on parle de texture, j'ai décidé de te partager les photos que j'avais prises il y a 4 ans de ça. Je n'ai aucune formation en photo. Je jouais de manière aléatoire avec l'appareil, qui n'est pas le mien d'ailleurs. En photo, je ne sais pas ce qui est beau, ce qui est laid, ce qui est original, ce qui est classique, ce qui est possible, ce qui est impossible, ce qui est intéressant, ce qui est plate. J'ai donc capturé ce que moi je trouvais beau ou ce qui m'intriguait. Mes photos n'ont pas de sujet. C'est un constat qu'on m'a fait après coup. Mes photos ne capturent pas une émotion. Elle capture une texture ou une petite chose, qui elle peut en donner une. Dans toutes les photos, ce ne sont que des choses simples: de la mousse duveteuse, des rides sur l'eau, une tache de lumière, des roches aux facettes aiguisées... Rien que personne n'ait jamais vu. Ce sont des choses communes. C'est peut-être juste le cadre qui l'est un peu moins. Je crois que j'aurais besoin d'une leçon en photo. Mais bon, puisque tu possèdes cette sensibilité aux textures, les photos feront peut-être naître quelque chose en toi.
La vie ici suit son cours. C'est le matin, et j'attends avec impatience que l'eau pour le café soit prête. Mon chat est dans la porte patio et surveille le merle qui est venu faire son nid dans la haie de cèdres. Je ne suis pas encore allé dans mon jardin. Tu devrais le voir d'ailleurs! Une vraie jungle! Il y a des herbes aussi hautes que moi. Mon chat adore. Mes voisins, un peu moins je suppose. Il fait super beau. Je ne sais pas encore ce que je ferai de ma journée, à part penser à toi. Parfois, avec toi de l'autre côté de l'océan et tes billets que j'attends avec impatience, j'ai l'impression d'être une femme dont le mari est parti à la guerre et qui attend désespérément l'arrivée du courrier. Je crois que ça dû ressembler à ça, le sentiment d'attendre quelqu'un avec tant d'impatience mais aussi avec la crainte de le perdre. Comme mourir à la guerre, je sais que le risque de te perdre est là. Il m'effleure quelques fois l'esprit, mais j'essaye de ne pas trop y penser. Je n'ai pas de contrôle là-dessus. Ça t'appartient.
J'espère que tes deux tannants et toi, vous vous êtes bien amusés dans les arbres. Continue à me parler de toi et de tes journées. Je me sens plus près.