La facilité aurait été de te parler de la partie cachée des arbres et des plantes. Cette partie, qui, bien qu’invisible, offre l’éclat au reste de l’individu et, bien entendu, sans laquelle ce reste ne pourrait pas vivre. Trop facile de te mentionner que cette partie de plante, certes bien intéressante, est cependant aussi celle qui attache l’individu à un lieu, l’empêchant de se mouvoir en cas de troubles ou tout simplement de fuir lorsque l’environnement devient moins favorable. Alors… bon ou mauvais les racines? Bon et mauvais les racines? Encore une fois, là n’est pas la question. Cet enracinement, qui, oui, peut être qualifié d’immobilisme, pousse les plantes à s’adapter de manière incroyable pour faire face à toutes ces contraintes qu’elles ne pourront fuir. Ainsi, alors que l’animal prend ses jambes à son cou et va chercher la facilité, la plante, elle, toute enracinée qu’elle est, s’oblige à des changements extraordinaires, transforme ses organes, modifie ses proportions, change de visage et survit. Mais parler de cela aurait été trop facile.
De la même façon, il aurait été trop facile de faire le parallèle avec l’amour que je ressens pour toi. Trop facile de choisir de t’expliquer comment, après m’avoir offert les fleurs colorées et parfumées du plaisir, l’amour nucléaire qui est nait de notre rencontre s’est ensuite enraciné pour m’offrir les conditions de l’immortalité. Trop facile de comparer la croissance de cette amour stable et durable à celle des racines, déployant un à un leurs petits méristèmes apicaux à travers l’inconnu et la matière sombre. Trop facile de démontrer comment, malgré la fragilité que ces méristèmes laissent paraître, ils tracent leur voix, qui en surface, qui en profondeur, explorant chaque zone du substrat de la vie pour en extraire l’essence et s’en nourrir. Trop facile de comparer la force de cet amour racine à celles qui démontre dans l'oubli et le silence une ténacité surnaturelle, incongrue, magique, à aller coloniser le néant en déplaçant, repoussant, brisant chaque petites roches et chaque embuches… et tout cela pour quoi?... pour qu’en surface règne la beauté dans une insolente facilité.
Trop facile tout cela, alors c’est pourquoi je choisis plutôt de parler du sens abstrait de ce mot; « Racine », que l’on se doit de mettre au pluriel pour être stable; « Nos racines ». Celles qui font de nous ce que nous sommes. Celles qui ensemble forgent notre identité, supportent nos actions et construisent notre résilience lorsque les vents violents de la vie essayent de briser nos élans de croissance, de briser notre désir d’ascension. Les miennes, elles sont « la France et ses vieilles beautés », et maintenant aussi « le Québec et espaces vierges », elles sont « mon cœur d’enfant sensible » et maintenant « la force tranquille de l’homme », c’est aussi « se nourrir de la beauté » mais aussi pour ne pas qu’elle ne tarisse « en créer pour qu’elle grandisse », c’est « l’exploration », et maintenant « cultiver et élever ce qui est trouvé »... et ils y en a tant d'autres encore. Alors qu'avec l'expérience et l'age ces racines se multiplie, avec elles je grandis.
Mes racines, certaines sont vieilles et d’autres plus jeunes, mais toutes me servent et agissent pour atteindre leur but: me permettre un attachement à un lieu, à une personne, à une philosophie… un attachement qui servira de réserve, de base, de fondation à une reconstruction à la fois identique et améliorée de notre identité en cas de besoin. Comme le chêne rouge, qui après avoir perdu sa tige pendant le feu, se nourrira du sucre accumulé dans ces racines pour rebâtir en quelques années, cet individu au génome identique mais plus efficace, plus fort.
Une version améliorée de la nouveauté grâce à l’expérience, au lègue, grâce... à nos racines.
Voilà, j’ai relevé le défi… et je te lance le tien. Le thème sera :
« voyage imaginaire »